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James Gray

  • 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville (6-15 septembre 2024) : présentation du programme, à la hauteur de cette édition anniversaire !

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    Ce matin avait lieu la conférence de presse du 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. Je vous en détaille le programme ci-dessous avec quelques flashbacks sur les 49 précédentes éditions. Cet article sera régulièrement mis à jour avec les prochaines annonces jusqu'à l'ouverture, le 6 septembre.

    Les 100 ans des Planches. Les 50 ans du Festival du Cinéma Américain de Deauville. Cette année, le cœur de Deauville est en fête ! Qui aurait prédit une destinée aussi éblouissante à ce festival quand, en 1975, Lionel Chouchan et André Halimi, sous l'impulsion de Michel d'Ornano, alors Maire de Deauville, et de Lucien Barrière, alors Président du groupe éponyme, ont eu l’idée de le créer ?

    Ce cinquantième anniversaire s’annonce à la hauteur de l'évènement. Grandiose ! Avec, notamment :   un Prix d’honneur du festival remis à Michael Douglas pour sa cinquième venue à Deauville, un hommage l’un des plus grands documentaristes au monde Frederick Wiseman et à l’un des plus grands cinéastes classiques contemporains James Gray (dont le dernier film, d'une amère beauté, Armageddon time avait été présenté à Deauville en 2022, cette fois il donnera une master class le lundi 9 septembre) ; un coup de projecteur sur la success story d’un jeune réalisateur indépendant qui a fait ses premiers pas à Deauville, Sean Baker (l'occasion de découvrir Anora, palme d'or du Festival de Cannes 2024, c'est également Sean Baker qui remettra le Grand Prix de cette édition, le 14 septembre) ; des hommages à deux des plus prestigieuses et talentueuses comédiennes du cinéma américain qui recevront chacune un Deauville Talent Award, Natalie Portman (le 14 septembre) et Michelle Williams (le 12 septembre) ;  la mise en lumière de deux personnalités montantes d’Hollywood, Daisy Ridley et Sebastian Stan mais aussi la venue de Francis Ford Coppola (le 13 septembre) avec la projection de Megalopolis, les projections de Beetlejuice beetlejuice de Tim Burton ou encore de Finalement de Claude Lelouch, en présence de toute l'équipe du film (Kad Merad, Sandrine Bonaire, Elsa Zylberstein...), en clôture du festival. Et bien sûr toujours les films en compétition et les Premières.  Le 13 septembre, le festival invitera les anciens présidents des jurys de la compétition. Par ailleurs, Jérôme Lasserre, directeur de la programmation, lors de la conférence de presse du festival, ce jour, a souligné la volonté de "se projeter vers le futur".  Carine Fouquier, directrice du CID, quant à elle, a annoncé la tenue  d’une exposition de photos consacrée à 50 ans d’histoire de l’évènement sur les terrasses du festival avec plus de 200 photos issues des archives du CID. Comme chaque année depuis la pandémie seront  projetés des films du dernier Festival de Cannes dans le cadre de L'Heure de la Croisette, parmi lesquels le bouleversant La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius.  Comme chaque année, le prix d'Ornano-Valenti sera un des temps forts du festival. Il sera cette année attribué à Rabia de Mareike Engel­hardt. Le festival proposera également une conversation avec Christophe Honoré autour du cinéma américain.

    Au programme cette année, ce seront plus de 100 films avec 170 séances, 70 équipes de film sur place et 14 films en compétition qu'auront a départager les deux jurys, le jury présidé par Benoît Magimel et le jury de la révélation présidé par Alice Belaïdi.

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    Deux ans après sa création, Deauville pouvait déjà s’enorgueillir de la présence de Gregory Peck, Sydney Pollack, et d’un jeune acteur nommé Harrison Ford. Les hommages et les nombreuses stars qui foulèrent ses planches désormais centenaires rendirent ce festival célèbre dans le monde entier : Vincente Minelli (1977), Sydney Pollack (1977, 2006), Kirk Douglas (1978, 2020),  Clint Eastwood (1980, 2000), Lauren Bacall (1989), Michael Douglas (1998, 2007 et 2013), Al Pacino (1999), Robin Williams (1999), James Ivory (2003), Francis Ford Coppola (2004), Steven Spielberg (2004), Andy Garcia (2009), Liam Neeson (2012),  Harvey Keitel (2012), John Williams (2012), Cate Blanchett (2013), Terrence Malick (2015), Morgan Freeman (2018). Et tant d’autres…

    Le sublime écrin pour cet évènement qu’est le CID qui l’accueillit dès 1992 et la création de la compétition de films indépendants en 1995 le firent entrer dans la légende et dans le cœur des cinéphiles. Ce festival n’est en effet pas seulement la vitrine des films des studios qu’il fut à ses débuts, il est aussi désormais l’antre des cinéphiles, et un découvreur indéniable de talents. Le premier jury, présidé par le réalisateur Andrei Konchalovsky, récompensa ainsi Tom Di Cillo pour Ça tourne à Manhattan (1995). Lui succédèrent notamment des films aussi marquants que Dans la peau de John Malkovich de Spike Jonze (1999), Collision de Paul Haggis (2005), Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valérie Faris (2006), Take shelter de Jeff Nichols (2011), Whiplash de Damien Chazelle (2014), Aftersun de Charlotte Wells (2022).

    Que de découvertes cinématographiques grâce à ce festival, a fortiori donc depuis l’instauration de la compétition en 1995, parmi lesquelles je vous recommande tout particulièrement :

    - Dans la peau de John Malkovich, premier film aussi malin que déroutant de Spike Jonze (Grand Prix 1999),

    -  Girlfight de Karyn Kusama (Grand Prix 2000),

    - Maria, pleine de grâce de Joshua Marston (Grand Prix 2004),

    - Collision (Grand Prix 2006), la magistrale œuvre chorale de Paul Haggis,

    -Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris (Grand Prix 2006),

    - The Messenger de Oren Moverman (Grand Prix 2009). Premier film sans distributeur, un film émouvant sans être larmoyant ou outrancièrement mélodramatique sur les conséquences effroyables d'une guerre, ses plaies béantes et ses douleurs et horreurs indicibles et parfois niées.

    -  Take Shelter de Jeff Nichols (Grand Prix 2011) ,

    -  Les Bêtes du Sud sauvage de Benh Zeitlin (Grand Prix 2012). Un film universel, audacieux et dense, un hymne à la vie et l’espoir, au doux refuge de l’imaginaire aussi quand la réalité devient trop violente, un film d’une beauté âpre et flamboyante qui vous emmènera loin et vous accompagnera longtemps comme cette voix, ce regard et cette musique qui reflètent ce mélange de force et de magie, de grâce et de détermination ( une musique dont Benh Zeitlin est le coauteur) et, à l’image de son affiche, un feu d’artifices d’émotions. Un film rare.

    - Whiplash de Damien Chazelle (Grand Prix 2014)  L’amour de la musique de Damien Chazelle transparaît et transpire dans  chaque plan du film, une forme qui témoigne de ce que montre aussi le fond du film : l’art n’est pas (le plus souvent) une inspiration miraculeuse mais le résultat d’un travail passionné et acharné,

    - 99 homes de Ramin Bahrani (Grand Prix 2015). Un drame social et un thriller dans lequel la fin (sauver sa peau) justifie alors les moyens, tous les moyens.

    - Brooklyn village de Ira Sachs (Grand Prix 2016). Un film pudique, délicat, sensible avec des personnages humains, pas des super-héros mais des êtres faillibles et attachants écrits avec une extrême délicatesse, nuancés comme la vie.

    - The Rider de Chloé Zhao (Grand Prix 2017). Chloé Zhao réussit une œuvre  pleine de délicatesse et de subtilité sur un univers a priori rude et rugueux. Entre documentaire et drame intimiste. Un film qui  dresse le portrait poignant d’un personnage qui apprend à renoncer dont la force vous accompagne bien après le générique de fin et qui vous donnera envie de continuer à avancer et rêver envers et contre tout.

    - Thunder road de Jim Cummings (Grand Prix 2018). Bouleversant (et certes fantasque) portrait d’un homme désorienté et, au-delà, d’une Amérique déboussolée de laquelle une évasion semble possible, ou en tout cas un lendemain plus joyeux. Un personnage aussi excessif que fragile, dérouté que déroutant, interprété par un artiste plein d’énergie et de fantaisie.

    - The Nest de Sean Durkin (Grand Prix 2020). Carrie Coon et Jude Law par l’intensité et les nuances de leur jeu apportent la complexité nécessaire à ces deux grands enfants perdus que sont Allison et Rory. La musique, de plus en plus inquiétante, et la mise en scène, d’une élégante précision, épousent brillamment l’angoisse qui progressivement, s’empare de chacun des membres de la famille, se retrouvant bientôt tous isolés, dans le fond comme dans la forme, dans le manoir comme dans les problèmes qu’ils affrontent. La noirceur et la nuit s’emparent des âmes et des décors. Jusqu’à ce que, qui sait, la clarté et le jour ne se lèvent et le nid ne réconforte et recueille ses occupants.  Un scénario ciselé, une mise en scène élégante, des personnages brillamment dessinés au service d’un suspense haletant et d’un dénouement d’une logique à la fois surprenante et implacable.

    - Aftersun de Charlotte Welles (Grand Prix 2022). Aftersun est un film sublimement triste, comme un soleil d’été ardent soudain masqué après avoir ébloui avec intransigeance, comme l’insouciance et l’enfance et un père qui s’éclipsent avec une brusquerie déconcertante, peut-être à tout jamais. Film impressionniste sur quelques jours d’été entre un père et sa fille en Turquie. Tous deux au bord du vide, chacun à leur manière : la fin des illusions pour l’un, de l’enfance pour l’autre. Moment suspendu, instants faussement futiles, dont on devine vaguement qu’ils sont essentiels, qu’on voudrait retenir mais comme les grains de sable qui filent entre les doigts, déjà ils périclitent entre les mailles de la mémoire. Un film gracieux, d’une délicatesse mélancolique qui charrie la beauté fugace de l’enfance devenue songe et la saveur inégalable de ses réminiscences (floues). Et puis ce dernier plan ! Celui du vide et du mystère que laissent les (êtres et moments, essentiels) disparus, que laissent les instants futiles dont on réalise trop tard qu’ils étaient cruciaux, fragiles et uniques. Celui du manque impossible à combler. Celui du (couloir) du temps qui dévore tout. Renversant d’émotions. Vous chavirerez, aussi, surtout si votre soleil d’enfance a été dévoré par l’ombre…

    - LaRoy de Shane Atkinson (Grand Prix 2023) Des dialogues savoureux. Un humour noir réjouissant. Une musique particulièrement réussie et mémorable de Delphine Malausséna, Rim Laurens et Clément Peiffer. Le décor de cette petite ville trompeusement sereine dissimulant l’excentricité et le chaos intérieur des êtres vous hantera longtemps. Un bijou entre comédie et thriller. Jubilatoire.

    Mais Deauville, ce sont aussi les derniers blockbusters, les monstres sacrés du cinéma qui viennent fouler les planches et inaugurer leurs cabines. C’est nourrir son amour du cinéma avec les master class, et rêvasser en arpentant les planches dont la mélancolie joyeuse et envoûtante ne se retrouve nulle part ailleurs.  Il me semble parfois y voir cet homme avec son chien qui marche dans la brume et qui  fait penser à Giacometti (selon le personnage incarné par Jean-Louis Trintignant dans Un homme et une femme), sur la musique de Francis Lai.

    Deauville, c’est un tapis rouge auquel sied mieux le noir et blanc nostalgique. Et un tapis rouge souvent foulé sous un soleil éblouissant. Terre de contrastes et paradoxes. C’est Al Gore qui vient présenter son sidérant documentaire contre le réchauffement climatique et dire des « vérités qui dérangent ». Ce sont aussi les films au dénouement desquels flotte glorieusement et insolemment la bannière étoilée. Deauville, c’est la discrétion et la tonitruance. C’est Cannes sans l’exubérance. C’est le luxe avec la convivialité. Ce sont les premiers balbutiements de jeunes cinéastes et la consécration de leurs aînés. C’est Kirk Douglas qui marche difficilement mais non moins majestueusement sur la scène du CID. C’est James Coburn et son flegme légendaire qui envoûtent le Salon des Ambassadeurs. C’est Lauren Bacall qui vient accompagnée de Nicole Kidman. Le cinéma d’hier y côtoie celui d’aujourd’hui et l’un et l’autre s’enrichissent mutuellement. Deux époques se rencontrent, deux Amérique aussi. C’est ainsi Gus Van Sant qui vient présenter Gerry, la quintessence du film indépendant. C’est aussi Sylvester Stallone qui vient présenter son dernier film. C’est un festival qui satisfait à la fois les amateurs de cinéma d’action et les cinéphiles les plus exigeants, les spectateurs et les « professionnels de la profession ». Ce sont James Ellroy, Meryl Streep, Gena Rowlands, George Clooney, Steven Spielberg, Mick Jagger, Harrison Ford, Morgan Freeman ou tant d’autres qui stupéfient l’assistance lors de mémorables conférences de presse. C’est Cyd Charisse qui esquisse quelques pas de danse sur la scène du CID. C’est Paul Haggis qui y gagne ses premiers galons de réalisateur en remportant le grand prix du festival avec Collision. Ce sont Steve Buscemi ou Charlie Kaufman qui y donnent de passionnantes leçons de cinéma. C’est Joel Grey qui entonne avec grâce quelques notes dans un CID silencieusement attentif. C’est le charismatique Al Pacino qui ne peut retenir ses larmes d’émotion, instant inoubliable. Ce sont les applaudissement effrénés pendant la projection de  Tigre et Dragon d’Ang Lee. Ce sont Clint Eastwood, Tom Hanks, Morgan Freeman, Harrison Ford, Steven Spielberg, Sydney Pollack et tant d’autres prestigieux invités habitués des Planches. C’est la présence d’un trio inoubliable et inégalable : Spielberg-Lucas-Coppola. Ce sont Tom Di Cillo, Jonathan Nossiter, Karyn Kusama, John Cameron Mitchell, Damien Chazelle… qui ont vu leurs films présentés en compétition officielle, couronnés. Ce sont les derniers feux de l’été, souvent les plus brillants et intenses, qui auréolent les Planches d’une luminosité incomparable comme sortie d’un songe d’une nuit d’été. Deauville, c’est ainsi aussi le prix Michel d’Ornano qui récompense le meilleur traitement de scénario de long-métrage d’un jeune scénariste français.  Ce sont aussi les hommages qui ont amené à Deauville les plus grands noms du cinéma américain. Ce sont  les Docs de l’Oncle Sam pour découvrir un autre Amérique. 

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    33ème Festival du Cinéma Américain.  © Inthemoodforcinema.com.

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    35ème Festival du Cinéma Américain.  © Inthemoodforcinema.com.

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    Lucas et Coppola.  © Inthemoodforcinema.com.

    J'aurai le plaisir de couvrir ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2024, un festival auquel j'assiste depuis tant d'années qu'il serait indécent de les comptabiliser. Deauville restera mon premier festival de cinéma, celui dont je n'ai manqué une seule édition, celui qui a exacerbé ma passion pour le septième art et les festivals de cinéma. Evidemment, je ne pouvais donc pas manquer son cinquantième anniversaire. Cette édition commencera le 6 septembre et s'achèvera le 15 septembre.

    Vous pourrez ainsi retrouver mon interview dans le magazine Normandie Prestige 2024 dans lequel je vous parle de ma passion pour ce festival. Dans ce même magazine, vous pourrez aussi lire mon bilan de l'édition 2023 du Festival du Cinéma Américain, à retrouver aussi sur Inthemoodfordeauville.com, ainsi que mes articles sur les précédentes éditions du festival. Vous pouvez lire le magazine Normandie Prestige en ligne sur Calameo, ici.

    Après avoir eu l'honneur d'être sélectionnée au Festival Livres et Musiques en mai dernier et de dédicacer dans le cadre majestueux des Franciscaines, j'aurai aussi le plaisir de dédicacer de nouveau mon roman La Symphonie des rêves à Deauville, pendant ce festival, le samedi 6 septembre, le matin, à la librairie du Marché de Deauville. 

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    Voici donc, en détails, le programme de cette 50ème édition :

    - l'invité d'honneur : Michael Douglas.

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    - le  Président du jury : Benoît Magimel. Il sera entouré de :

    . Ludivine Sagnier (comédienne)
    • Ibrahim Maalouf (trompettiste, musicien & compositeur)
    • Elias Belkeddar (réalisateur, scénariste & producteur)
    • Émilie Dequenne (comédienne)
    • Agathe Riedinger (réalisatrice, scénariste & photographe)
    • Damien Bonnard (comédien)
    • Lou Lampros (comédienne)
    • Martin Bourboulon (réalisateur & scénariste)

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    Pho­tos : Benoit Magi­mel © Arno Lam – Char­lette Stu­dio / Ludi­vine Sagnier © Denis Boulze / Ibra­him Maa­louf © Boby / Agathe Rie­din­ger © Romain Rachlin / Damien Bon­nard © Marie Rouge / Mar­tin Bour­bou­lon © Arno Lam

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    A l’occasion du 50ème Festival du cinéma américain de Deauville, Laurent Vallet, Président-directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), remettra la Distinction numérique de l'INA à Benoit Magimel, Président du jury, sur la scène du Centre international de Deauville. Cette distinction, représentée par une tablette numérique, contient l'intégralité du patrimoine audiovisuel français concernant l'acteur et réalisateur, soit plus de 86 heures de télévision et près de 26 heures de radio.
    Cette cérémonie se déroulera le samedi 7 septembre à 20h avant la projection en avant-première du nouveau film de Tim Burton, BEETLEJUICE BEETLEJUICE.

    -la composition du jury de la révélation :  Alice Belaï­di – Pré­si­dente (comé­dienne), Emma Benes­tan (réa­li­sa­trice & scénariste), Salim Kechiouche (comé­dien, réa­li­sa­teur & scénariste), Iris Kal­tenbäck (réa­li­sa­trice & scénariste), Karid­ja Tou­ré (comé­dienne)

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    Alice Belaï­di © Andreas Rentz / Salim Kechiouche © Vincent Pes­ci / Karid­ja Tou­ré © Tho­mas lemarchand

     

    -Les deux jurys devront départager les films suivants :

    LISTE DES FILMS EN COMPETITION :

    • BANG BANG de Vincent Gra­shaw
    • COLOR BOOK de David For­tune - Pre­mier film
    • DADDIO de Chris­ty Hall - Pre­mier film
    • EXHIBITING FORGIVENESS de Titus Kaphar - Pre­mier film
    • GAZER de Ryan J. Sloan - Pre­mier film
    • IN THE SUMMERS d’Ales­san­dra Laco­raz­za Samu­dio - Pre­mier film
    • LA COCINA d’Alon­so Ruizpalacios
    • LES DAMNÉS de Rober­to Minervini
    • NOËL À MILLER’S POINT de Tyler Taor­mi­na
    • SING SING de Greg Kwe­dar
    • THE KNIFE de Nnam­di Aso­mu­gha - Pre­mier film
    • THE SCHOOL DUEL de Todd Wise­man Jr. - Pre­mier film
    • THE STRANGERS’ CASE de Brandt Ander­sen - Pre­mier film
    • WE GROWN NOW de Min­hal Baig

    LES PREMIERES

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    Voici les 10 films présentés dans la section « Premières » en présence des équipes :
    • A DIFFERENT MAN d‘Aaron Schimberg
    • ANORA de Sean Baker
    • BEETLEJUICE BEETLEJUICE de Tim Burton
    • LE ROBOT SAUVAGE de Chris Sanders
    • LEE MILLER d’Ellen Kuras
    • MEGALOPOLIS de Francis Ford Coppola
    • SILVER STAR de Lola Bessis & Ruben Amar
    • SPEAK NO EVIL de James Watkins
    • THE LAST STOP IN YUMA COUNTY de Francis Galluppi
    • THE THICKET d’Elliott Lester 

     

    LES HOMMAGES

    -L'actrice Natalie Portman recevra un Deauville Talent Award

    -L'actrice Michelle Williams recevra un Deauville Talent Award

    "Le Festival du cinéma américain a l’honneur de remettre un Deauville Talent Award à Michelle Williams en sa présence, afin de célébrer le talent d’un visage miroitant de l’Amérique et la liberté artistique admirable d’une actrice au parcours kaléidoscopique."

    - L'acteur Sebastian Stan recevra un prix Nouvel Hollywood

    - L'actrice Daisy Ridley recevra un prix du Nouvel Hollywood

    -L'actrice Mikey Madison recevra un prix du Nouvel Hollywood

    "Saluant le talent et l’audace, Le Festival du cinéma américain de Deauville est heureux d’accueillir Sebastian Stan pour lui remettre le Prix du Nouvel Hollywood en sa présence."

    - Le festival rendra hommage à Frederick Wiseman

    -Le Festival rendra hommage à James Gray. James Gray sera présent à Deauville pour une conversation exceptionnelle lundi 9 septembre. Pour cette 50e édition, à l'occasion de son hommage, le Festival du cinéma américain de Deauville propose au public une rencontre animée par Gaël Golhen (rédacteur en chef de Première) avec le réalisateur James Gray. La rencontre aura lieu lundi 9 septembre.

    L’intégralité de sa filmographie sera également projetée pendant le festival.

    Retrouvez mes critiques des films suivants en cliquant sur leurs titres :

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    La nuit nous appartient

    Two lovers

    The immigrant

    Armageddon Time

    FOCUS SUR SEAN BAKER, "L'AMERIQUE DE LA MARGE"

    "Le Festival découvre Sean Baker, alors jeune cinéaste émergent, en 2015 avec TANGERINE, qui obtient le Prix du Jury. Six ans plus tard, RED ROCKET remporte le Prix du Jury et le Prix de la Critique.
    Le Festival propose cette année de mettre en avant cet auteur à travers la présentation de son nouveau long métrage ANORA, lauréat de la Palme d’or cette année, et de ses quatre premières œuvres, inédites en France : FOUR LETTER WORDS (2000), TAKE OUT (2004), PRINCE OF BROADWAY (2008) et STARLET (2012)."

    LE PRIX D'ORNANO VALENTI

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    - Le Prix d’Ornano-Valenti sera offi­ciel­le­ment remis lors de la céré­mo­nie du Pal­ma­rès du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de Deau­ville, il sera attribué à RABIA de Mareike Engel­hardt, qui sor­ti­ra en salles le 27 novembre 2024.

    MON CINEMA AMERICAIN : CONVERSATION AVEC CHRISTOPHE HONORE

    "Pour cette 50e édition, le Festival du cinéma américain de Deauville propose au public une rencontre animée par Lily Bloom (animatrice de l’émission « Le Cercle » sur CANAL+) avec une personnalité majeure du cinéma français et président du Jury de la Révélation en 2006 : Christophe Honoré. Le  réalisateur, écrivain et metteur en scène échangera sur sa vision du cinéma américain en dévoilant sa filmothèque coup de cœur le samedi 14 septembre."

    LES FILMS DU FESTIVAL DE CANNES

    Découvrez les 3 films présentés dans la section « L'Heure de la Croisette » durant la 50e édition du Festival du cinéma américain de Deauville, en présence des équipes :
    • ALL WE IMAGINE AS LIGHT de Payal Kapadia
    • LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES de Michel Hazanavicius
    • PARTHENOPE de Paolo Sorrentino 

    FENÊTRE SUR LE CINEMA FRANÇAIS

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    Découvrez les films présentés dans la section « Fenêtre sur le cinéma français » durant la 50e édition du Festival du cinéma américain de Deauville, en présence des équipes :
    • FINALEMENT de Claude Lelouch - Première française
    • NI CHAÎNES NI MAÎTRES de Simon Moutaïrou - Première mondiale

    LES DOCS DE L'ONCLE SAM

    Découvrez les 6 films documentaires présentés dans la section « Les Docs de l'Oncle Sam » durant la 50e édition du Festival du cinéma américain de Deauville, en présence des équipes :
    • L’OMBRE DU COMMANDANT de Daniela Völker
    • LES DISPARUES de Sabrina Van Tassel
    • MY WAY de Thierry Teston & Lisa Azuelos
    • SHARON STONE : L’INSTINCT DE SURVIE de Nathalie Labarthe
    • SUPER/MAN : L’HISTOIRE DE CHRISTOPHER REEVE d’Ian Bonhôte et Peter Ettedgui
    • THE NEON PEOPLE de Jean-Baptiste Thoret

    PRIX NOUVELLE GENERATION

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    "Pour cette 50e édition anniversaire, le Festival du cinéma américain de Deauville a souhaité célébrer les nouvelles figures du cinéma de demain, en remettant un prix à un talent émergent, spécialement créé pour l’évènement. En cette année exceptionnelle, le Prix Nouvelle Génération est décerné à la réalisatrice Malia Ann, en sa présence, pour son premier court métrage, THE HEART."

    PRIX LUCIEN BARRIERE DU 50ème

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    Un jury composé des journalistes et écrivains François Armanet, Ariane Bois, Tiffany Gassouk, Colombe Schneck et Éric Neuhoff remettra le Prix littéraire Lucien-Barrière lors du Festival du cinéma américain de Deauville, sous la bienveillance de Béatrice Nakache Halimi.
    Le Prix littéraire Lucien-Barrière 2024 est décerné à Bien-être de Nathan Hill, en sa présence, publié aux éditions Gallimard, et traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Bru.

    50 FILMS AMERICAINS QUI ONT CHANGE NOS REGARDS SUR LE MONDE

    Les organisateurs ont également annoncé que,  pour son cinquantième anniversaire, le Festival du cinéma américain de Deauville mettrait en avant une sélection de 50 films qui ont changé nos regards sur le monde. 50 films américains, de INTOLERANCE de D. W. Griffith (1916) à ONCE UPON A TIME IN... HOLLYWOOD de Quentin Tarantino (2019), "sélectionnés en toute subjectivité pour leur manière d’avoir profondément façonné le 7e art au cours de son premier siècle d’existence, tant par leur technique, leur mise en scène, leur inventivité, leur audace, leur contenu et toutes les idées diverses qu’ils ont pu projeter."

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    MULHOLLAND DRIVE de David Lynch © StudioCanal

     À cette occasion, Deauville étend sa collaboration avec le cinéma Morny pour offrir aux festivaliers une deuxième salle de projection, où les films seront présentés par des talents ou des professionnels de l'industrie. Spécialement consacrée à cette rétrospective exceptionnelle, cette nouvelle salle incarnera un vaste panorama du cinéma américain, où les regards se croisent dans un miroir qui renvoie à notre passé, accompagne notre présent et prédit notre avenir.

    Voici la liste des 50 films en questions que je vous recommande tous.  Je vous propose par ailleurs la critique de l'un d'entre eux, en bas de cet article : Casablanca de Michael Curtiz.

     LISTE DES 50 FILMS

    1916       INTOLÉRANCE de D. W. Griffith

    1927       L’AURORE de Friedrich Wilhelm Murnau

    1932       FREAKS de Tod Browning

    1939       AUTANT EN EMPORTE LE VENT de Victor Fleming

    1940       LE DICTATEUR de Charlie Chaplin

    1941       CITIZEN KANE de Orson Welles

    1942       CASABLANCA de Michael Curtiz

    1942       TO BE OR NOT TO BE d’Ernst Lubitsch

    1946       LA VIE EST BELLE de Frank Capra

    1950       OUTRAGE d’Ida Lupino

    1950       EVE… de Joseph L. Mankiewicz

    1955       LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton

    1956       LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT de John Ford

    1959       AUTOPSIE D'UN MEURTRE de Otto Preminger

    1959       RIO BRAVO de Howard Hawks

    1959       MIRAGE DE LA VIE de Douglas Sirk

    1959       CERTAINS L’AIMENT CHAUD de Billy Wilder

    1960       PSYCHOSE de Alfred Hitchcock

    1961       WEST SIDE STORY de Robert Wise & Jerome Robbins

    1967       BONNIE AND CLYDE de Arthur Penn

    1968       2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE de Stanley Kubrick

    1969       EASY RIDER de Dennis Hopper

    1969       LA HORDE SAUVAGE de Sam Peckinpah

    1970       WANDA de Barbara Loden

    1972       LE PARRAIN de Francis Ford Coppola

    1972       CABARET de Bob Fosse

    1973       L’EXORCISTE de William Friedkin

    1974       UNE FEMME SOUS INFLUENCE de John Cassavetes

    1975       VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU de Milos Forman

    1976       NETWORK de Sidney Lumet

    1976       CARRIE AU BAL DU DIABLE de Brian de Palma

    1976       TAXI DRIVER de Martin Scorsese

    1977       LA GUERRE DES ETOILES de Georges Lucas

    1978       VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER de Michael Cimino

    1982       E.T, l’EXTRA-TERRESTRE de Steven Spielberg

    1982       RAMBO de Ted Kotcheff

    1984       TERMINATOR de James Cameron

    1989       DO THE RIGHT THING de Spike Lee

    1990       EDWARD AUX MAINS D'ARGENT de Tim Burton

    1992       IMPITOYABLE de Clint Eastwood

    1997       BOOGIE NIGHTS de Paul Thomas Anderson

    1999       MATRIX des Wachowski

    1999       VIRGIN SUICIDES de Sofia Coppola

    2001       MULHOLLAND DRIVE de David Lynch

    2003       ELEPHANT de Gus Van Sant

    2007       ZODIAC de David Fincher

    2010       INCEPTION de Christopher Nolan

    2012       ZERO DARK THIRTY de Kathryn Bigelow

    2015       SPOTLIGHT de Tom McCarthy

    2019       ONCE UPON A TIME IN... HOLLYWOOD de Quentin Tarantino

    Critique de ONE UPON A TIME...IN HOLLYWOOD de Quentin Tarantino

     

    Critique de CASABLANCA de Michael Curtiz

    Casablanca 2.jpg

    On ne présente plus Casablanca ni Rick Blaine (Humphrey Bogart), le mystérieux propriétaire du bigarré Café Américain. Nous sommes en 1942, à Casablanca, là où des milliers de réfugiés viennent et échouent des quatre coins de l’Europe, avec l’espoir fragile d’obtenir un visa pour pouvoir rejoindre les Etats-Unis. Casablanca est alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Deux émissaires nazis porteurs de lettres de transit sont assassinés. Ugarte (Peter Lorre), un petit délinquant, les confie à Rick alors qu’il se fait arrêter dans son café.  C’est le  capitaine Renault (Claude Rains), ami et rival de Rick, qui est chargé de l’enquête tandis qu’arrive à Casablanca un résistant du nom de Victor Laszlo (Paul Henreid). Il est accompagné  de sa jeune épouse : la belle Ilsa (Ingrid Bergman). Rick reconnaît en elle la femme qu’il a passionnément aimée, à Paris, deux ans auparavant…

    Casablanca est un film qui contient plusieurs films, plusieurs histoires potentielles esquissées ou abouties, plusieurs styles et tant de destins qui se croisent.

    Plusieurs films d’abord. Casablanca est autant le portrait de cette ville éponyme, là où tant de nationalités, d’espoirs, de désespoirs se côtoient, là où l’on conspire, espère, meurt, là où la chaleur et l’exotisme ne font pas oublier qu’un conflit mondial se joue et qu’il est la seule raison pour laquelle des êtres si différents se retrouvent et parfois s’y perdent.

    C’est ensuite évidemment l’histoire de la Résistance, celle de la collaboration, l’Histoire donc.

    Et enfin une histoire d’amour sans doute une des plus belles qui ait été écrite pour le cinéma. De ces trois histoires résultent les différents genres auxquels appartient ce film : vibrante histoire d’amour avant tout évidemment, mais aussi comédie dramatique, film noir, mélodrame, thriller, film de guerre.

    Peu importe le style auquel il appartient, ce qui compte c’est cette rare alchimie. Cette magie qui fait que, 83 ans après sa sortie, ce film est toujours aussi palpitant et envoûtant.

    L’alchimie provient d’abord du personnage de Rick, de son ambiguïté.  En apparence hautain, farouche individualiste, cynique, velléitaire, amer, il se glorifie ainsi de « ne jamais prendre parti », de  « ne prendre de risque pour personne » et dit qu’ « alcoolique est sa nationalité » ; il se révèle finalement patriote, chevaleresque, héroïque, déterminé, romantique. Evidemment Humphrey Bogart avec son charisme, avec son vieil imper ou son costume blanc (qui reflètent d’ailleurs le double visage du personnage), sa voix inimitable, sa démarche nonchalante, ses gestes lents et assurés lui apporte un supplément d’âme, ce mélange de sensibilité et de rudesse qui n’appartient qu’à lui. Un personnage aux mille visages, chacun l’appelant, le voyant aussi différemment. Auparavant surtout connu pour ses rôles de gangsters et de détectives, Humphrey Bogart était loin d’être le choix initial (il fut choisi après le refus définitif de George Raft) tout comme Ingrid Bergman d’ailleurs (Michèle Morgan, notamment, avait d’abord été contactée), de même que le réalisateur Michael Curtiz n’était pas le choix initial de la Warner qui était William Wyler. On imagine désormais mal comment il aurait pu en être autrement tant tous concourent à créer cette alchimie…

    Cette alchimie provient évidemment du couple qu’il forme avec Ingrid Bergman qui irradie littéralement l’écran, fragile, romanesque, nostalgique, mélancolique  notamment grâce à une photographie qui fait savamment briller ses yeux d’une tendre tristesse. Couple romantique par excellence puisque leur amour est rendu impossible par  la présence du troisième personnage du triangle amoureux qui se bat pour la liberté, l’héroïque Victor Laszlo qui les place face à de cruels dilemmes : l’amour ou l’honneur. Leur histoire personnelle ou l’Histoire plus grande qu’eux qui  tombent « amoureux quand le monde s’écroule ». L’instant ou la postérité.

    Et puis il y a tous ces personnages secondaires : Sam (Dooley Wilson), le capitaine Renault, …,  chacun incarnant un visage de la Résistance, de la collaboration ou parfois une attitude plus ambiguë à l’image de ce monde écartelé, divisé dont Casablanca est l’incarnation.

    Concourent aussi à cette rare alchimie ces dialogues, ciselés, qui, comme le personnage de Rick oscillent entre romantisme noir et humour acerbe : « de tous les bistrots, de toutes les villes du monde c’est le mien qu’elle a choisi ». Et puis ces phrases qui reviennent régulièrement comme la musique de Sam, cette manière nonchalante, presque langoureuse que Rick a de dire « Here’s looking at you, kid » .

    Et comme si cela n’était pas suffisant, la musique est là pour achever de nous envoûter. Cette musique, réminiscence de ces brefs instants de bonheur à Paris, entre Rick et Ilsa, à La Belle Aurore, quand l’ombre ne s’était pas encore abattue sur le destin et qu’il pouvait encore être une « belle aurore », ces souvenirs dans lesquels le « Play it again Sam » les replonge lorsque Illsa implore Sam de rejouer ce morceau aussi célèbre que le film : As time goes by  ( la musique est signée Max Steiner mais As time goes by a été composée par Herman Hupfeld en 1931 même si c’est Casablanca qui a contribué à sa renommée).

    Et puis il y a la ville de Casablanca d’une ensorcelante incandescence qui vibre, grouille, transpire sans cesse de tous ceux qui s’y croisent, vivent de faux-semblants et y jouent leurs destins : corrompus, réfugiés, nazis, collaborateurs… .

    Des scènes d’anthologie aussi ont fait entrer ce film dans la légende comme ce combat musical, cet acte de résistance en musique (les partisans des Alliés chantant la Marseillaise couvrant la voix des Allemands chantant Die Wacht am Rhein, et montrant au détour d’un plan un personnage changeant de camp par le chant qu’il choisit) d’une force dramatique et émotionnelle incontestable.  Puis évidemment la fin que les acteurs ne connaissaient d’ailleurs pas au début et qui fut décidée au cours du tournage, cette fin qui fait de Casablanca sans doute une des trois plus belles histoires d’amour de l’histoire du cinéma. Le tournage commença ainsi sans scénario écrit et Ingrid Bergman ne savait alors pas avec qui son personnage partirait à la fin, ce qui donne aussi sans doute à son jeu cette intrigante ambigüité. Cette fin ( jusqu’à laquelle  l’incertitude est jubilatoire pour le spectateur) qui rend cette histoire d’amour intemporelle et éternelle. Qui marque le début d’une amitié et d’un engagement (le capitaine Renault jetant la bouteille de Vichy, symbole du régime qu’il représentait jusqu’alors) et est clairement en faveur de l’interventionnisme américain, une fin qui est aussi  un sacrifice, un combat pour la liberté qui subliment l’histoire d’amour, exhalent et exaltent la force du souvenir (« nous aurons toujours Paris ») et sa beauté mélancolique.

    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’habileté et de fluidité, ses beaux clairs-obscurs se faisant l’écho des zones d’ombre  des personnages et des combats dans l’ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d’une beauté déchirante. Un film qui comme l’amour de Rick et Ilsa résiste au temps qui passe.

    Le tout concourant à ce romantisme désenchanté, cette lancinance nostalgique et à ce que ce film soit régulièrement classé comme un des meilleurs films du cinéma mondial. En 1944, il fut ainsi couronné de trois Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur film) et l’American Film Institute, en 2007, l’a ainsi classé troisième des cents meilleurs films américains de l’Histoire derrière l’indétrônable Citizen Kane et derrière Le Parrain.

    Le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires,  la cosmopolite Casablanca, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique As time goes by, la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario (signé Julius et Philip Epstein d’après la pièce de Murray Burnett et Joan Alison Everybody comes to Rick’s), le dilemme moral, la fin sublime, l’exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l’universalité de l’idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté font de ce film un chef d’œuvre…et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses.

    La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c’était un film parfait évoquant l’amour, le patriotisme, le mystère et l’idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l’on trouve rarement au cinéma. Je suis d’accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick’s Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C’est ça, la vraie magie du cinéma ».

    Un chef-d’œuvre à voir absolument. A revoir inlassablement. Ne serait-ce que pour entendre Sam (Dooley Wilson)  entonner As time goes by et nous faire chavirer d’émotion.

    Pour en savoir plus et pour réserver vos pass : 

    Le site officiel du Festival du Cinéma Américain de Deauville

    Téléchargez ici le programme officiel du 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

  • 50 ans du Festival du Cinéma Américain de Deauville : le programme de l'édition 2024

    Festival du Cinéma Américain de Deauville 2024.jpg

    Cliquez ici pour retrouver mon article du 22/08/2024 avec la programmation complète du 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.

    Les 100 ans des Planches. Les 50 ans du Festival du Cinéma Américain de Deauville. Cette année, le cœur de Deauville est en fête ! Qui aurait prédit une destinée aussi éblouissante à ce festival quand, en 1975, Lionel Chouchan et André Halimi, sous l'impulsion de Michel d'Ornano, alors Maire de Deauville, et de Lucien Barrière, alors Président du groupe éponyme, ont eu l’idée de le créer ? Deux ans après sa création, Deauville pouvait déjà s’enorgueillir de la présence de Gregory Peck, Sydney Pollack, et d’un jeune acteur nommé Harrison Ford. Les hommages et les nombreuses stars qui foulèrent ses planches désormais centenaires rendirent ce festival célèbre dans le monde entier : Vincente Minelli (1977), Sydney Pollack (1977, 2006), Kirk Douglas (1978, 2020),  Clint Eastwood (1980, 2000), Lauren Bacall (1989), Michael Douglas (1998, 2007 et 2013), Al Pacino (1999), Robin Williams (1999), James Ivory (2003), Francis Ford Coppola (2004), Steven Spielberg (2004), Andy Garcia (2009), Liam Neeson (2012),  Harvey Keitel (2012), John Williams (2012), Cate Blanchett (2013), Terrence Malick (2015), Morgan Freeman (2018). Et tant d’autres… Le sublime écrin pour cet évènement qu’est le CID qui l’accueillit dès 1992 et la création de la compétition de films indépendants en 1995 le firent entrer dans la légende et dans le cœur des cinéphiles. Ce festival n’est en effet pas seulement la vitrine des films des studios qu’il fut à ses débuts, il est aussi désormais l’antre des cinéphiles, et un découvreur indéniable de talents. Le premier jury, présidé par le réalisateur Andrei Konchalovsky, récompensa ainsi Tom Di Cillo pour Ça tourne à Manhattan (1995). Lui succédèrent notamment des films aussi marquants que Dans la peau de John Malkovich de Spike Jonze (1999), Collision de Paul Haggis (2005), Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valérie Faris (2006), Take shelter de Jeff Nichols (2011), Whiplash de Damien Chazelle (2014), Aftersun de Charlotte Wells (2022). Ce cinquantième anniversaire s’annonce grandiose puisque les récipiendaires des Deauville Talent Awards 2023, absents pour cause de grève à Hollywood, sont d’ores et déjà annoncés…sans compter les très nombreuses surprises qui marqueront l’évènement !

    J'aurai le plaisir de couvrir ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2024, comme chaque année, un festival auquel j'assiste depuis tant d'années qu'il serait indécent de les comptabiliser. Deauville restera mon premier festival de cinéma, celui dont je n'ai manqué une seule édition, celui qui a exacerbé ma passion pour le septième art et les festivals de cinéma. Evidemment, je ne pouvais donc pas manquer son cinquantième anniversaire.

    Vous pourrez ainsi retrouver mon interview dans le prochain magazine Normandie Prestige dans lequel je vous parle de ma passion pour ce festival. Dans ce même magazine, vous pourrez aussi lire mon bilan de l'édition 2023 du Festival du Cinéma Américain, à retrouver aussi sur Inthemoodfordeauville.com, ainsi que mes articles sur les précédentes éditions du festival. Vous pouvez lire le magazine Normandie Prestige en ligne sur Calameo, ici.

    Après avoir eu l'honneur d'être sélectionnée au Festival Livres et Musiques en mai dernier et de dédicacer dans le cadre majestueux des Franciscaines, j'aurai aussi le plaisir de dédicacer de nouveau mon roman La Symphonie des rêves à Deauville, pendant ce festival. Je vous en dirai bientôt plus.

    De ces 50 ans du Festival du Cinéma Américain de Deauville, nous connaissons pour l'heure :

    - l'affiche,

    - les dates (6 au 15 septembre),

    - l'invité d'honneur : Michael Douglas.

    douglas.jpg

    - le nom du Président du jury : Benoît Magimel

    -la composition du jury de la révélation :  Alice Belaï­di – Pré­si­dente (comé­dienne), Emma Benes­tan (réa­li­sa­trice & scénariste), Salim Kechiouche (comé­dien, réa­li­sa­teur & scénariste), Iris Kal­tenbäck (réa­li­sa­trice & scénariste), Karid­ja Tou­ré (comé­dienne)

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    Alice Belaï­di © Andreas Rentz / Salim Kechiouche © Vincent Pes­ci / Karid­ja Tou­ré © Tho­mas lemarchand

    - Un hommage à Frederick Wiseman

    - Le Prix d’Ornano-Valenti sera offi­ciel­le­ment remis lors de la céré­mo­nie du Pal­ma­rès du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de Deau­ville, il sera attribué à RABIA de Mareike Engel­hardt, qui sor­ti­ra en salles le 27 novembre 2024.

    -Le Festival rendra hommage à James Gray. James Gray sera présent à Deauville pour une conversation exceptionnelle lundi 9 septembre. L’intégralité de sa filmographie sera également projetée pendant le festival.

    Retrouvez mes critiques des films suivants en cliquant sur leurs titres :

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    La nuit nous appartient

    Two lovers

    The immigrant

    Armageddon Time

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    Les organisateurs ont également annoncé que,  pour son cinquantième anniversaire, le Festival du cinéma américain de Deauville mettrait en avant une sélection de 50 films qui ont changé nos regards sur le monde. 50 films américains, de INTOLERANCE de D. W. Griffith (1916) à ONCE UPON A TIME IN... HOLLYWOOD de Quentin Tarantino (2019), "sélectionnés en toute subjectivité pour leur manière d’avoir profondément façonné le 7e art au cours de son premier siècle d’existence, tant par leur technique, leur mise en scène, leur inventivité, leur audace, leur contenu et toutes les idées diverses qu’ils ont pu projeter."

    50 films américains qui ont changé nos regards.jpg

    MULHOLLAND DRIVE de David Lynch © StudioCanal

     À cette occasion, Deauville étend sa collaboration avec le cinéma Morny pour offrir aux festivaliers une deuxième salle de projection, où les films seront présentés par des talents ou des professionnels de l'industrie. Spécialement consacrée à cette rétrospective exceptionnelle, cette nouvelle salle incarnera un vaste panorama du cinéma américain, où les regards se croisent dans un miroir qui renvoie à notre passé, accompagne notre présent et prédit notre avenir.

    Voici la liste des 50 films en questions que je vous recommande tous.  Je vous propose par ailleurs la critique de l'un d'entre eux, en bas de cet article : Casablanca de Michael Curtiz.

     LISTE DES 50 FILMS

     

    1916       INTOLÉRANCE de D. W. Griffith

    1927       L’AURORE de Friedrich Wilhelm Murnau

    1932       FREAKS de Tod Browning

    1939       AUTANT EN EMPORTE LE VENT de Victor Fleming

    1940       LE DICTATEUR de Charlie Chaplin

    1941       CITIZEN KANE de Orson Welles

    1942       CASABLANCA de Michael Curtiz

    1942       TO BE OR NOT TO BE d’Ernst Lubitsch

    1946       LA VIE EST BELLE de Frank Capra

    1950       OUTRAGE d’Ida Lupino

    1950       EVE… de Joseph L. Mankiewicz

    1955       LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton

    1956       LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT de John Ford

    1959       AUTOPSIE D'UN MEURTRE de Otto Preminger

    1959       RIO BRAVO de Howard Hawks

    1959       MIRAGE DE LA VIE de Douglas Sirk

    1959       CERTAINS L’AIMENT CHAUD de Billy Wilder

    1960       PSYCHOSE de Alfred Hitchcock

    1961       WEST SIDE STORY de Robert Wise & Jerome Robbins

    1967       BONNIE AND CLYDE de Arthur Penn

    1968       2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE de Stanley Kubrick

    1969       EASY RIDER de Dennis Hopper

    1969       LA HORDE SAUVAGE de Sam Peckinpah

    1970       WANDA de Barbara Loden

    1972       LE PARRAIN de Francis Ford Coppola

    1972       CABARET de Bob Fosse

    1973       L’EXORCISTE de William Friedkin

    1974       UNE FEMME SOUS INFLUENCE de John Cassavetes

    1975       VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU de Milos Forman

    1976       NETWORK de Sidney Lumet

    1976       CARRIE AU BAL DU DIABLE de Brian de Palma

    1976       TAXI DRIVER de Martin Scorsese

    1977       LA GUERRE DES ETOILES de Georges Lucas

    1978       VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER de Michael Cimino

    1982       E.T, l’EXTRA-TERRESTRE de Steven Spielberg

    1982       RAMBO de Ted Kotcheff

    1984       TERMINATOR de James Cameron

    1989       DO THE RIGHT THING de Spike Lee

    1990       EDWARD AUX MAINS D'ARGENT de Tim Burton

    1992       IMPITOYABLE de Clint Eastwood

    1997       BOOGIE NIGHTS de Paul Thomas Anderson

    1999       MATRIX des Wachowski

    1999       VIRGIN SUICIDES de Sofia Coppola

    2001       MULHOLLAND DRIVE de David Lynch

    2003       ELEPHANT de Gus Van Sant

    2007       ZODIAC de David Fincher

    2010       INCEPTION de Christopher Nolan

    2012       ZERO DARK THIRTY de Kathryn Bigelow

    2015       SPOTLIGHT de Tom McCarthy

    2019       ONCE UPON A TIME IN... HOLLYWOOD de Quentin Tarantino

    Critique de ONE UPON A TIME...IN HOLLYWOOD de Quentin Tarantino

     

    Critique de CASABLANCA de Michael Curtiz

    Casablanca 2.jpg

    On ne présente plus Casablanca ni Rick Blaine (Humphrey Bogart), le mystérieux propriétaire du bigarré Café Américain. Nous sommes en 1942, à Casablanca, là où des milliers de réfugiés viennent et échouent des quatre coins de l’Europe, avec l’espoir fragile d’obtenir un visa pour pouvoir rejoindre les Etats-Unis. Casablanca est alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Deux émissaires nazis porteurs de lettres de transit sont assassinés. Ugarte (Peter Lorre), un petit délinquant, les confie à Rick alors qu’il se fait arrêter dans son café.  C’est le  capitaine Renault (Claude Rains), ami et rival de Rick, qui est chargé de l’enquête tandis qu’arrive à Casablanca un résistant du nom de Victor Laszlo (Paul Henreid). Il est accompagné  de sa jeune épouse : la belle Ilsa (Ingrid Bergman). Rick reconnaît en elle la femme qu’il a passionnément aimée, à Paris, deux ans auparavant…

    Casablanca est un film qui contient plusieurs films, plusieurs histoires potentielles esquissées ou abouties, plusieurs styles et tant de destins qui se croisent.

    Plusieurs films d’abord. Casablanca est autant le portrait de cette ville éponyme, là où tant de nationalités, d’espoirs, de désespoirs se côtoient, là où l’on conspire, espère, meurt, là où la chaleur et l’exotisme ne font pas oublier qu’un conflit mondial se joue et qu’il est la seule raison pour laquelle des êtres si différents se retrouvent et parfois s’y perdent.

    C’est ensuite évidemment l’histoire de la Résistance, celle de la collaboration, l’Histoire donc.

    Et enfin une histoire d’amour sans doute une des plus belles qui ait été écrite pour le cinéma. De ces trois histoires résultent les différents genres auxquels appartient ce film : vibrante histoire d’amour avant tout évidemment, mais aussi comédie dramatique, film noir, mélodrame, thriller, film de guerre.

    Peu importe le style auquel il appartient, ce qui compte c’est cette rare alchimie. Cette magie qui fait que, 83 ans après sa sortie, ce film est toujours aussi palpitant et envoûtant.

    L’alchimie provient d’abord du personnage de Rick, de son ambiguïté.  En apparence hautain, farouche individualiste, cynique, velléitaire, amer, il se glorifie ainsi de « ne jamais prendre parti », de  « ne prendre de risque pour personne » et dit qu’ « alcoolique est sa nationalité » ; il se révèle finalement patriote, chevaleresque, héroïque, déterminé, romantique. Evidemment Humphrey Bogart avec son charisme, avec son vieil imper ou son costume blanc (qui reflètent d’ailleurs le double visage du personnage), sa voix inimitable, sa démarche nonchalante, ses gestes lents et assurés lui apporte un supplément d’âme, ce mélange de sensibilité et de rudesse qui n’appartient qu’à lui. Un personnage aux mille visages, chacun l’appelant, le voyant aussi différemment. Auparavant surtout connu pour ses rôles de gangsters et de détectives, Humphrey Bogart était loin d’être le choix initial (il fut choisi après le refus définitif de George Raft) tout comme Ingrid Bergman d’ailleurs (Michèle Morgan, notamment, avait d’abord été contactée), de même que le réalisateur Michael Curtiz n’était pas le choix initial de la Warner qui était William Wyler. On imagine désormais mal comment il aurait pu en être autrement tant tous concourent à créer cette alchimie…

    Cette alchimie provient évidemment du couple qu’il forme avec Ingrid Bergman qui irradie littéralement l’écran, fragile, romanesque, nostalgique, mélancolique  notamment grâce à une photographie qui fait savamment briller ses yeux d’une tendre tristesse. Couple romantique par excellence puisque leur amour est rendu impossible par  la présence du troisième personnage du triangle amoureux qui se bat pour la liberté, l’héroïque Victor Laszlo qui les place face à de cruels dilemmes : l’amour ou l’honneur. Leur histoire personnelle ou l’Histoire plus grande qu’eux qui  tombent « amoureux quand le monde s’écroule ». L’instant ou la postérité.

    Et puis il y a tous ces personnages secondaires : Sam (Dooley Wilson), le capitaine Renault, …,  chacun incarnant un visage de la Résistance, de la collaboration ou parfois une attitude plus ambiguë à l’image de ce monde écartelé, divisé dont Casablanca est l’incarnation.

    Concourent aussi à cette rare alchimie ces dialogues, ciselés, qui, comme le personnage de Rick oscillent entre romantisme noir et humour acerbe : « de tous les bistrots, de toutes les villes du monde c’est le mien qu’elle a choisi ». Et puis ces phrases qui reviennent régulièrement comme la musique de Sam, cette manière nonchalante, presque langoureuse que Rick a de dire « Here’s looking at you, kid » .

    Et comme si cela n’était pas suffisant, la musique est là pour achever de nous envoûter. Cette musique, réminiscence de ces brefs instants de bonheur à Paris, entre Rick et Ilsa, à La Belle Aurore, quand l’ombre ne s’était pas encore abattue sur le destin et qu’il pouvait encore être une « belle aurore », ces souvenirs dans lesquels le « Play it again Sam » les replonge lorsque Illsa implore Sam de rejouer ce morceau aussi célèbre que le film : As time goes by  ( la musique est signée Max Steiner mais As time goes by a été composée par Herman Hupfeld en 1931 même si c’est Casablanca qui a contribué à sa renommée).

    Et puis il y a la ville de Casablanca d’une ensorcelante incandescence qui vibre, grouille, transpire sans cesse de tous ceux qui s’y croisent, vivent de faux-semblants et y jouent leurs destins : corrompus, réfugiés, nazis, collaborateurs… .

    Des scènes d’anthologie aussi ont fait entrer ce film dans la légende comme ce combat musical, cet acte de résistance en musique (les partisans des Alliés chantant la Marseillaise couvrant la voix des Allemands chantant Die Wacht am Rhein, et montrant au détour d’un plan un personnage changeant de camp par le chant qu’il choisit) d’une force dramatique et émotionnelle incontestable.  Puis évidemment la fin que les acteurs ne connaissaient d’ailleurs pas au début et qui fut décidée au cours du tournage, cette fin qui fait de Casablanca sans doute une des trois plus belles histoires d’amour de l’histoire du cinéma. Le tournage commença ainsi sans scénario écrit et Ingrid Bergman ne savait alors pas avec qui son personnage partirait à la fin, ce qui donne aussi sans doute à son jeu cette intrigante ambigüité. Cette fin ( jusqu’à laquelle  l’incertitude est jubilatoire pour le spectateur) qui rend cette histoire d’amour intemporelle et éternelle. Qui marque le début d’une amitié et d’un engagement (le capitaine Renault jetant la bouteille de Vichy, symbole du régime qu’il représentait jusqu’alors) et est clairement en faveur de l’interventionnisme américain, une fin qui est aussi  un sacrifice, un combat pour la liberté qui subliment l’histoire d’amour, exhalent et exaltent la force du souvenir (« nous aurons toujours Paris ») et sa beauté mélancolique.

    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’habileté et de fluidité, ses beaux clairs-obscurs se faisant l’écho des zones d’ombre  des personnages et des combats dans l’ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d’une beauté déchirante. Un film qui comme l’amour de Rick et Ilsa résiste au temps qui passe.

    Le tout concourant à ce romantisme désenchanté, cette lancinance nostalgique et à ce que ce film soit régulièrement classé comme un des meilleurs films du cinéma mondial. En 1944, il fut ainsi couronné de trois Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur film) et l’American Film Institute, en 2007, l’a ainsi classé troisième des cents meilleurs films américains de l’Histoire derrière l’indétrônable Citizen Kane et derrière Le Parrain.

    Le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires,  la cosmopolite Casablanca, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique As time goes by, la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario (signé Julius et Philip Epstein d’après la pièce de Murray Burnett et Joan Alison Everybody comes to Rick’s), le dilemme moral, la fin sublime, l’exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l’universalité de l’idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté font de ce film un chef d’œuvre…et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses.

    La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c’était un film parfait évoquant l’amour, le patriotisme, le mystère et l’idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l’on trouve rarement au cinéma. Je suis d’accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick’s Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C’est ça, la vraie magie du cinéma ».

    Un chef-d’œuvre à voir absolument. A revoir inlassablement. Ne serait-ce que pour entendre Sam (Dooley Wilson)  entonner As time goes by et nous faire chavirer d’émotion.

  • Critique de ARMAGEDDON TIME de James Gray

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    Après sa projection en compétition officielle à Cannes (dont il est reparti une fois de plus bredouille, et une fois de plus injustement), le huitième film de James Gray, Armageddon time, était projeté en avant-première dans le cadre de la section A l’heure de la Croisette du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville. James Gray est aussi l’invité d’honneur du Festival Lumière de Lyon qui lui rend hommage cette semaine.

    Le (grand) cinéma est affaire de points de vue comme celui de James Gray dont le regard aiguisé se pose avec tellement de sensibilité sur les êtres que, dès les premiers plans, il vous captive même par une scène en apparence anodine dans une salle de classe. Celle du jeune Paul Graff (Michael Banks Repeta) qui vit dans le Queens, là où le cinéaste lui-même a habité dans son enfance. Alors que se profile l'arrivée de Reagan au pouvoir, Paul amoncèle les bêtises avec son ami Jonathan (Jaylin Webb). Il devra changer d'école et se retrouvera ensuite dans l’établissement scolaire au siège d'administration duquel siègent plusieurs membres de la famille Trump dont Fred, le père de Donald. Ses parents, Esther (Anne Hathaway) et Irving (Jeremy Strong), sont démunis face à ce fils pour lequel ils rêvent de réussite. Seul son grand-père (Anthony Hopkins) semble le comprendre…

    Si James Gray a toujours raconté des histoires de famille déchirées, il recourait toujours au masque du polar ou du film noir pour les évoquer même si The Immigrant (un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante et lancinante qui nous envahit peu à peu et dont la force ravageuse explose au dernier plan et qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin) était déjà inspiré des souvenirs de ses grands-parents, juifs ukrainiens arrivés aux États-Unis en 1923 dont l'histoire est ici à nouveau contée par le grand-père de Paul. Cette fois, James Gray lève le masque pour raconter une histoire très personnelle inspirée de son enfance.

    En quelques plans, quelques phrases, notamment lors d'une séquence de dîner exemplaire (qui n'est pas sans rappeler une des premières scènes de Two lovers), James Gray croque chacun des personnages, leurs forces et fragilités et leurs relations, ou du moins telles qu'ils veulent qu'elles apparaissent.

    Comme le monde dans lequel il évolue, le jeune Paul est en plein chambardement, vers l'âge adulte. S'il perd une part de son innocence, il y gagne ses raisons d'être un artiste : le désir de liberté et surtout de justice sous l'influence de son grand-père. Avec une extrême délicatesse, James Gray filme la relation de Paul avec  ce dernier interprété par Anthony Hopkins et avec son ami Jonathan, abandonné de tous, victime d'un racisme plus ou moins latent et de l’indifférence sociale.

    James Gray cherche à comprendre les raisons de chacun y compris celles du père violent de Paul et y compris les siennes qui le poussèrent à devenir cinéaste. Comme dans chacun de ses films, l'apparent, volontaire et relatif manichéisme initial n'est en effet là que pour laisser peu à peu place à des personnages infiniment nuancés et infiniment touchants qui essaient de vivre tant bien que mal malgré les plaies béantes, de l’existence et surtout de l’enfance.

    La nuit nous appartient, pouvant sembler de prime abord manichéen, se dévoilait ainsi progressivement comme un film poignant constitué de parallèles et de contrastes savamment dosés, même si la nuit brouille les repères, donne des reflets changeants aux attitudes et aux visages.  Un film noir sur lequel plane la fatalité. James Gray dissèque aussi les liens familiaux, plus forts que tout : la mort, la morale, le destin, la loi.  Un film lyrique et parfois poétique, aussi : lorsque Eva Mendes déambule nonchalamment dans les brumes de fumées de cigarette dans un ralenti langoureux, on se dit que Wong Kar-Wai n’est pas si loin... même si ici les nuits ne sont pas couleur myrtille mais bleutées et grisâtres. La brume d’une des scènes finales rappellera d’ailleurs cette brume artificielle comme un écho à la fois ironique et tragique du destin.

    La fin de l’enfance et de l’innocence est aussi celle d’un monde tout entier pour celui qui la vit, comme le jeune Paul dans Armageddon time, la fin de l'appréhension de la vie comme manichéenne (l'apparent manichéisme, on y revient), qui lui apprend les compromis que nécessite l’existence, que la frontière entre le bien et le mal est parfois si floue. C’est son « Armageddon time » en écho avec l’actualité d’alors, la peur d’une guerre nucléaire. C’est pour lui l’amère découverte de ses propres limites, de la trahison, de l’apprentissage de la mort, du racisme, des injustices. La mort du grand-père tant aimé, c’est la fin de cette part de rêve, et du sentiment d’éternité et d’invincibilité, la prise de conscience de la finitude des choses.

    La sublime photographie de Darius Khondji aux accents automnaux renforce la sensation de mélancolie qui se dégage du film, douce puis plus âpre. James Gray filme l’intime avec grandeur et lui procure un souffle romanesque et émotionnel unique. Le jeune Michael Banks Repeta est absolument bluffant, et quel duo avec Anthony Hopkins qui incarne le personnage lumineux du grand-père après son rôle dans The Father où il redevenait lui-même cet enfant secoué de sanglots, prisonnier de sa prison mentale et de son habitation carcérale. Quelles images sublimes que celles du grand-père et du petit-fils dans cette lumière automnale, déclinante, et crépusculaire. Sublime et fascinante comme un dernier et vibrant sursaut de vie. James Gray n'a pas son pareil pour faire surgir l'émotion par un simple regard à travers la vitre, et vous bouleverser sans pour autant recourir à des facilités ou ficelles mélodramatiques. Une scène entre le père et le fils dans la voiture est aussi un exemple de subtilité, de nuance, d’émotion contenue.

    Un film d’une tendre cruauté et d’une amère beauté, vous disais-je à propos de Two lovers. C’est à nouveau ainsi que je pourrais qualifier ce film. J’en profite donc pour vous recommander à nouveauTwo lovers  (à voir aussi cette semaine au Festival Lumière de Lyon), ce thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments, enivrants, qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Avec en plus cette merveilleuse bo entre jazz et opéra (même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, Una furtiva lagrima que dans  le chef d’œuvre de Woody Allen, Match point, dans lequel on trouve la même élégance dans la mise en scène et la même dualité entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski, Crime et châtiment dans le film de Woody Allen, Les Nuits blanches dans Two lovers), un film dans lequel James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film, à fleur de peau, d’une mélancolie, d’une poésie et d’une beauté déchirantes. Je pourrais en dire de même de Armageddon time qui, comme chacun de ses sept films précédents, témoigne de toute la sensibilité, la dualité, la complexité, la richesse du cinéma de James Gray. A voir au cinéma dès le 9 novembre 2022.

  • CRITIQUE de TWO LOVERS de JAMES GRAY (actuellement sur Arte.tv)

    two lovers, James Gray, cinéma, film, Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow

    Two lovers est encore pour deux jours sur Arte TV, ici. Voici quelques bonnes raisons de (re)découvrir ce chef d’œuvre de 2008 signé James Gray.

    Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider, Léonard (Joaquin Phoenix) hésite entre suivre son destin en épousant Sandra (Vinessa Shaw), la femme que ses parents choisissent pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, Michelle (Gwyneth Paltrow), belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, pour laquelle il éprouve instantanément un amour dévastateur et irrépressible.

    Pour conter cette histoire d'amour, James Gray a de nouveau opté pour une atmosphère de film noir, genre auquel il s’était jusqu’alors cantonné avec ses trois (remarquables) films précédents : Little Odessa, The Yards, La nuit nous appartient. La tension est palpable, constamment, comme dans un polar, ici liée au désir qui s’empare du personnage principal, malade d’amour, magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente. Dès le début, le film est placé sous le sceau du drame. Leonard se jette d’un pont puis rentre chez lui. Chez lui : en réalité, chez ses parents, chez lesquels il vit toujours, pour lesquels il travaille aussi (dans la blanchisserie de son père).

    C’est à travers le regard du personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (il ne quitte jamais l’écran) que nous suivons l’histoire. Celle d’un homme, atteint d'un trouble bipolaire qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard balance. Entre l’équilibre et le déséquilibre. Entre celle qui veut prendre soin de lui et celle qui a besoin qu'on prenne soin d'elle. Entre le choix du père et son propre choix. Le dilemme et la figure paternelle : deux thèmes omniprésents dans le cinéma de James Gray.

    Leonard éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Et une inclinaison plus tranquille pour Sandra. Two lovers ausculte la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister. Le toit sur lequel ils se retrouvent est une sorte d’ailleurs poétique, où ils échouent, se retrouvent, se noient, s’accrochent l’un à l’autre comme deux naufragés pris en pleine tempête. Une des forces de Two lovers  provient avant tout de la caractérisation des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses, de leur ambivalence.

    Cinq ans plus tard, dans The Immigrant, Joaquin Phoenix, incarnera à nouveau un personnage complexe et mystérieux qui prendra toute son ampleur au dénouement et montrera aussi à quel point le cinéma de James Gray derrière un apparent manichéisme est particulièrement nuancé et subtil.

    Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne (plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi Fenêtre sur cour d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit. Sandra dont le film préféré est La mélodie du bonheur représente en revanche la stabilité.

    Tout comme dans La Nuit nous appartient qui en apparence opposait les bons et les méchants, l’ordre et le désordre, la loi et l’illégalité, et semblait au départ très manichéen, dans lequel le personnage principal était écartelé,  allait évoluer,  passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres, ici aussi Leonard est confronté à un choix cornélien, ballotté entre le désir et la raison. Mais cette fois, ce n’est pas entre le bien et le mal mais entre deux femmes, entre la loi du cœur et la loi de la famille qu’il doit choisir.

    James Gray a opté pour une réalisation élégamment discrète et maîtrisée, au plus près des visages, et un scénario pudique magnifié par la photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent, des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale, mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse et d’une humanité poignantes.  James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages : Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père…

     Un film d’une tendre cruauté et d’une amère beauté. Un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments, enivrants, qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, Una furtiva lagrima que dans  le chef d’œuvre de Woody Allen, Match point, dans lequel on trouve la même élégance dans la mise en scène et la même dualité entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski, Crime et châtiment dans le film de Woody Allen, Les Nuits blanches ici) et vous obtiendrez un film dans lequel James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film, à fleur de peau, d’une mélancolie, d’une poésie et d’une beauté déchirantes.

  • Festival de Cannes 2022 - Compétition officielle - Critique de ARMAGEDDON TIME de James Gray

    cinéma, Festival de Cannes 2022, compétition officielle, James Gray, Armageddon time

    Le (grand) cinéma est affaire de points de vue comme celui de James Gray dont le regard aiguisé se pose avec tellement de sensibilité sur les êtres que, dès les premiers plans, il vous captive même par une scène en apparence anodine dans une salle de classe. Celle du jeune Paul Graff (Michael Banks Repeta) qui vit dans le Queens, là où le cinéaste lui-même a habité dans son enfance. Alors que se profile l'arrivée de Reagan au pouvoir, Paul amoncèle les bêtises avec son ami Jonathan (Jaylin Webb). Il devra changer d'école et se retrouvera ensuite dans l’établissement scolaire au siège d'administration duquel siègent plusieurs membres de la famille Trump dont Fred, le père de Donald. Ses parents, Esther (Anne Hathaway) et Irving (Jeremy Strong), sont démunis face à ce fils pour lequel ils rêvent de réussite. Seul son grand-père (Anthony Hopkins) semble le comprendre…

    Si James Gray a toujours raconté des histoires de famille déchirées, il recourait toujours au masque du polar ou du film noir pour les évoquer même si The Immigrant (un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante et lancinante qui nous envahit peu à peu et dont la force ravageuse explose au dernier plan et qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin) était déjà inspiré des souvenirs de ses grands-parents, juifs ukrainiens arrivés aux États-Unis en 1923 dont l'histoire est ici à nouveau contée par le grand-père de Paul. Cette fois, James Gray lève le masque pour raconter une histoire très personnelle inspirée de son enfance.

    En quelques plans, quelques phrases, notamment lors d'une séquence de dîner exemplaire (qui n'est pas sans rappeler une des premières scènes de Two lovers), James Gray croque chacun des personnages, leurs forces et fragilités et leurs relations, ou du moins telles qu'ils veulent qu'elles apparaissent.

    Comme le monde dans lequel il évolue, le jeune Paul est en plein chambardement, vers l'âge adulte. S'il perd une part de son innocence, il y gagne ses raisons d'être un artiste : le désir de liberté et surtout de justice sous l'influence de son grand-père. Avec une extrême délicatesse, James Gray filme la relation de Paul avec  ce dernier interprété par Anthony Hopkins et avec son ami Jonathan, abandonné de tous, victime d'un racisme plus ou moins latent et de l’indifférence sociale.

    James Gray cherche à comprendre les raisons de chacun y compris celles du père violent de Paul et y compris les siennes qui le poussèrent à devenir cinéaste. Comme dans chacun de ses films, l'apparent, volontaire et relatif manichéisme initial n'est en effet là que pour laisser peu à peu place à des personnages infiniment nuancés et infiniment touchants qui essaient de vivre tant bien que mal malgré les plaies béantes, de l’existence et surtout de l’enfance.

    La nuit nous appartient, pouvant sembler de prime abord manichéen, se dévoilait ainsi progressivement comme un film poignant constitué de parallèles et de contrastes savamment dosés, même si la nuit brouille les repères, donne des reflets changeants aux attitudes et aux visages.  Un film noir sur lequel plane la fatalité. James Gray dissèque aussi les liens familiaux, plus forts que tout : la mort, la morale, le destin, la loi.  Un film lyrique et parfois poétique, aussi : lorsque Eva Mendes déambule nonchalamment dans les brumes de fumées de cigarette dans un ralenti langoureux, on se dit que Wong Kar-Wai n’est pas si loin... même si ici les nuits ne sont pas couleur myrtille mais bleutées et grisâtres. La brume d’une des scènes finales rappellera d’ailleurs cette brume artificielle comme un écho à la fois ironique et tragique du destin.

    La fin de l’enfance et de l’innocence est aussi celle d’un monde tout entier pour celui qui la vit, comme le jeune Paul dans Armageddon time, la fin de l'appréhension de la vie comme manichéenne (l'apparent manichéisme, on y revient), qui lui apprend les compromis que nécessite l’existence, que la frontière entre le bien et le mal est parfois si floue. C’est son « Armageddon time » en écho avec l’actualité d’alors, la peur d’une guerre nucléaire. C’est pour lui l’amère découverte de ses propres limites, de la trahison, de l’apprentissage de la mort, du racisme, des injustices. La mort du grand-père tant aimé, c’est la fin de cette part de rêve, et du sentiment d’éternité et d’invincibilité, la prise de conscience de la finitude des choses.

    La sublime photographie de Darius Khondji aux accents automnaux renforce la sensation de mélancolie qui se dégage du film, douce puis plus âpre. James Gray filme l’intime avec grandeur et lui procure un souffle romanesque et émotionnel unique. Le jeune Michael Banks Repeta est absolument bluffant, et quel duo avec Anthony Hopkins qui incarne le personnage lumineux du grand-père après son rôle dans The Father où il redevenait lui-même cet enfant secoué de sanglots, prisonnier de sa prison mentale et de son habitation carcérale. Quelles images sublimes que celles du grand-père et du petit-fils dans cette lumière automnale, déclinante, et crépusculaire. Sublime et fascinante comme un dernier et vibrant sursaut de vie. James Gray n'a pas son pareil pour faire surgir l'émotion par un simple regard à travers la vitre, et vous bouleverser sans pour autant recourir à des facilités ou ficelles mélodramatiques. Une scène entre le père et le fils dans la voiture est aussi un exemple de subtilité, de nuance, d’émotion contenue.

    Un film d’une tendre cruauté et d’une amère beauté, vous disais-je à propos de Two lovers. C’est à nouveau ainsi que je pourrais qualifier ce film. J’en profite donc pour vous recommander à nouveau Two lovers  (à voir aussi cette semaine au Festival Lumière de Lyon), ce thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments, enivrants, qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Avec en plus cette merveilleuse bo entre jazz et opéra (même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, Una furtiva lagrima que dans  le chef d’œuvre de Woody Allen, Match point, dans lequel on trouve la même élégance dans la mise en scène et la même dualité entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski, Crime et châtiment dans le film de Woody Allen, Les Nuits blanches dans Two lovers), un film dans lequel James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film, à fleur de peau, d’une mélancolie, d’une poésie et d’une beauté déchirantes. Je pourrais en dire de même de Armageddon time qui, comme chacun de ses sept films précédents, témoigne de toute la sensibilité, la dualité, la complexité, la richesse du cinéma de James Gray. 

  • Critique de THE IMMIGRANT de James Gray à 20H55 sur Arte

    imigrant

    Projeté en compétition officielle du 66ème Festival de Cannes, The Immigrant de James Gray décidément à l’honneur cette année-là puisqu’il est aussi le coscénariste de  "Blood ties" réalisé par Guillaume Canet (également présenté à Cannes) est, seulement, le cinquième long-métrage du cinéaste américain ( après Little Odessa, The Yards, La Nuit nous appartient, Two lovers) et nous avons bien du mal à le croire tant chacun de ses films précédents était déjà maîtrisé, et James Gray comptant, déjà, comme un des plus grands cinéastes américains contemporains. The Immigrant a apparemment déçu bon nombre de ses admirateurs alors que, au contraire, c’est à mon sens son film le plus abouti, derrière son apparente simplicité. Il s’agit en effet de son film le plus sobre, intimiste et épuré mais quelle maîtrise dans cette épure et sobriété!

    On y retrouve les thèmes chers au cinéaste: l’empreinte de la Russie, l’importance du lien fraternel, le pardon mais c’est aussi son film le plus personnel puisque sa famille d’origine russe est arrivée à Ellis Island, où débute l’histoire, en 1923.

    L’histoire est centrée sur le personnage féminin d’Ewa interprétée par Marion Cotillard. 1921. Ewa et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine et Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, résignée, à la prostitution.  L’arrivée d’Orlando (Jeremy Renner), illusionniste et cousin de Bruno (Joaquin Phoenix), lui redonne confiance et l’espoir de jours meilleurs. Mais c’est sans compter sur la jalousie de Bruno…

    James Gray a écrit le rôle en pensant à Marion Cotillard (très juste et qui aurait mérité un prix d’interprétation) qui ressemble ici à une actrice du temps du cinéma muet, au visage triste et expressif. The Immigrant est ainsi un mélo assumé qui repose sur le sacrifice de son héroïne qui va devoir accomplir un véritable chemin de croix pour (peut-être…) accéder à la liberté et faire libérer sa sœur. Les personnages masculins, les deux cousins ennemis, sont  en arrière-plan, notamment Orlando. Quant à Bruno interprété par l’acteur fétiche de James Gray, Joaquin Phoenix, c’est un personnage complexe et mystérieux qui prendra toute son ampleur au dénouement et montrera aussi à quel point le cinéma de James Gray derrière un apparent manichéisme est particulièrement nuancé et subtil.

    Le tout est sublimé par la photographie de Darius Khondji (qui avait d’ailleurs signé la photographie de la palme d’or du Festival de Cannes 2012, Amour de Michael Haneke) grâce à laquelle certains plans sont d’une beauté mystique à couper le souffle.

    James Gray a par ailleurs tourné à Ellis Island, sur les lieux où des millions d’immigrés ont débarqué de 1892 à 1924, leur rendant hommage et, ainsi, à ceux qui se battent, aujourd’hui encore, pour fuir des conditions de vie difficiles, au péril de leur vie. C’est de dos qu’apparaît pour eux la statue de la liberté au début du film. C’est en effet la face sombre de cette liberté qu’ils vont découvrir, James Gray ne nous laissant d’ailleurs presque jamais entrevoir la lumière du jour. Si le film est situé dans les années 1920, il n’en est pas moins intemporel et universel. Une universalité et intemporalité qui, en plus de ses très nombreuses qualités visuelles, ne lui ont pas permis de figurer au palmarès cannois auquel il aurait mérité d’accéder.

    Tout comme dans La Nuit nous appartient qui en apparence opposait les bons et les méchants, l’ordre et le désordre, la loi et l’illégalité, et semblait au départ très manichéen, dans lequel le personnage principal était écartelé,  allait évoluer,  passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres, ici aussi le personnage de Bruno au cœur qui a « le goût du poison », incarne toute cette complexité, et le film baigné principalement dans des couleurs sombres, ira vers la lumière. Un plan, magistral, qui montre son visage à demi dans la pénombre sur laquelle la lumière l’emporte peu à peu, tandis qu’Ewa se confesse, est ici aussi prémonitoire de l’évolution du personnage. L’intérêt de Two lovers  provenait avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. C’est aussi le cas ici même si le thème du film et la photographie apportent encore une dimension supplémentaire. James Gray s’est inspiré des photos « quadrichromes » du début du XXe  siècle, des tableaux qui mettent en scène le monde interlope des théâtres de variétés de Manhattan. Il cite aussi comme référence Le Journal d’un curé de campagne, de Robert Bresson.

    James Gray parvient, comme avec Two lovers, à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante et lancinante qui nous envahit peu à peu et dont la force ravageuse explose au dernier plan et qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. Longtemps après, en effet, j’ai été  éblouie par la noirceur de ce film, une noirceur de laquelle émerge une lueur de clarté sublimée par une admirable simplicité et maitrise des contrastes sans parler du dernier plan, somptueux, qui résume toute la richesse et la dualité du cinéma de James Gray et de ce film en particulier.

  • Critique de TWO LOVERS de James Gray à 20H45 sur Ciné + Emotion

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     Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider,  un homme hésite entre suivre son destin et épouser la femme que ses parents ont choisie pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, un amour dévastateur et irrépressible.

    L’intérêt de « Two lovers » provient avant tout des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses. Si James Gray est avant tout associé au polar, il règne ici une atmosphère de film noir et une tension palpable liée au désir qui s’empare du personnage principal magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble  crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente.

    Ce dernier interprète le personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (à travers le regard duquel nous suivons l’histoire : il ne quitte jamais l’écran), un homme, atteint d'un trouble bipolaire (mais ce n'est pas là le sujet du film, juste là pour témoigner de sa fragilité) qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes : Michelle, sa nouvelle voisine incarnée par Gwyneth Paltrow, et Sandra, la fille d’amis de ses parents campée par l’actrice Vinessa Shaw. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard va balancer…

    Il éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Ces « Two lovers » comme le titre nous l’annonce et le revendique d’emblée ausculte  la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister, de ne pas trouver « la mélodie du bonheur ».

    Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray  dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne ( plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi « Fenêtre sur cour » d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit.

    James Gray a délibérément choisi une réalisation élégamment discrète et maîtrisée et un scénario pudique et  la magnifique photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale,  mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse, d’une humanité bouleversantes.  James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages (Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père etc).

     Un film d’une tendre cruauté, d’une amère beauté, et parfois même d'une drôlerie désenchantée,  un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Irrépressiblement. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amore, « Una furtiva lagrima » que dans  le chef d’œuvre de Woody Allen « Match point » dans lequel on retrouve la même élégance dans la mise en scène et la même "opposition" entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski… : les ressemblances entre les deux films sont trop nombreuses pour être le fruit du hasard ), et James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film d’une mélancolie d’une beauté déchirante qui nous étreint longtemps encore après le générique de fin. D’ores et déjà un classique du cinéma romantique.